« Un temps pour garder, et un temps pour jeter » Ecclésiaste 3 verset 6

Alors que le cycle frénétique acheter-jeter s’inscrit solidement dans nos modes de consommation, un appel s’impose… le temps de garder. C’est la revendication de Micha, dans son atelier des Pâquis, alors qu’il crée « Histoire sans chute ». L’atmosphère y est paisible, des chutes en tout genre sont consciencieusement triées dans des boîtes par couleur et par matière. On y parle, on y coud, on y apprend et on y traîne, plongé dans un livre glané sur une étagère… La tranquillité du lieu est pourtant trompeuse : au cœur du projet, une démarche radicale et entière invite à remettre en cause nos fonctionnements individuels et collectifs.

Garder c’est chérir, voir, réparer, valoriser. Il pourrait s’agir également d’invoquer, pour chaque pièce qui séjourne dans nos garde-robes, le souvenir ému de cette quantité folle de mains qui se sont vues associées à notre destinée. À moins que ce soit nous, à l’inverse, qui nous soyons délibérément associés aux leurs, sans soupçonner une seconde ce que cela impliquait.

Alors que les consciences s’initient progressivement à la réalité qu’impliquent nos formes de consommation, on constate une résistance viscérale qui défie pourtant toute rationalité. Le fait que la sobriété et la suffisance se présentent comme des issues convenables nous est curieusement difficile.  S’habille-t-on pour éviter à l’égo un coup de froid, pour recouvrir une crainte de manquer, ou maquiller une fragilité intime ? Avec cette idée lointaine que l’habit, au moins pour un instant, fait l’homme : l’habit cache, l’habit révèle. Il a ceci de fascinant qu’il parle d’une seule traite de ce qu’on dit et de ce qu’on voudrait taire.

Ce n’est pas sans réserve qu’Ursula a si gentiment accepté l’offre de participer au défilé. Mais notre séduisante doyenne a su avec une grâce indicible porter la création de Micha.

Retrouver le défilé