Une Théologie publique pour parfumer le discours public (Partie 1)

Notre époque est une époque de communication. La théologie est une parole informée de la connaissance de la Bible et de l’imagination originale qui s’y trouve. Elle peut avoir une place dans le débat public pour mieux comprendre le monde.

Chez imagoDei, nous voulons proposer une Théologie publique qui apporte une contribution positive aux conversations de notre société sur les grands enjeux de notre époque.

La communication d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier

Il y a 50 ans, les principaux moyens de communication se comptaient facilement : la lettre envoyée par la Poste, le téléphone filaire installé à la maison, et pour les messages écrits urgents le télégramme partant lui aussi de la Poste.

Aujourd’hui, les moyens de communication sont multiples ; le télégramme n’est plus, la lettre se fait rare en dehors de cartes d’anniversaire ou de cartes de vœux, mais combien se sont ajoutés ! Certains aussi ont disparus ou ont changé de forme : l’e-mail, l’iRC devenu ensuite le Chat, le SMS, le tweet,… Et le nombre des outils de communication a lui aussi explosé avec l’apparition des objets connectés et des assistants vocaux. Nous téléphonons toujours mais nous parlons aussi avec Alexa, avec Google Assistant, avec Siri.

Un état gazeux

Nous pouvons reprendre l’expression d’Yves Michaux et parler pour aujourd’hui d’une communication à l’état gazeux.(1)

Comme un gaz, comme un parfum, la communication est désormais partout présente dans l’air. Il est difficile de l’éviter, tout comme il est difficile de se retenir longtemps de respirer.

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Vous avez dit « théologie publique » ?

Imaginez que vous êtes en train de discuter avec un ami — et vous êtes peut-être de ceux-là — qui ne comprend pas pourquoi la théologie aurait sa place dans le débat public. Selon une certaine conception, le terme « public » se réfère à tout ce qui est neutre et a-religieux (dénué de contenu religieux), tandis que le domaine privé est le lieu de toutes les perspectives possibles. Ainsi, pour les personnes qui partagent cette vision, la théologie n’a pas sa place dans le domaine public car elle est intrinsèquement liée à la religion et ne peut donc pas être neutre. En d’autres termes, il est difficile d’avoir une discussion informée sur la Bible dans le débat public. Mais bien sûr, tout le monde ne partage pas cette conception et il est important d’en discuter pour comprendre les différentes perspectives.

Le philosophe Charles Taylor a remis en question cette distinction radicale entre public et privé. Elle appartient à la pensée séculariste, qu’il a rattachée à l’époque moderne.(2) De la même façon, d’autres ont souligné que l’espace public tel qu’il est aujourd’hui a connu plusieurs évolutions, dont certaines valent la peine d’être soulignées.(3)

Les évolutions qui bousculent la frontière entre public et privé

Premièrement, une évolution à relever. L’espace du discours public qui était auparavant l’objet d’une évolution lente est maintenant en constant changement rapide. Les innovations arrivent si rapidement désormais que nous avons du mal à suivre. Par conséquent, nous nous sentons vite débordés par tout ce qui s’y passe. Avec ainsi, à la clé, un sentiment de perte de repères et de désorientation. Où en sommes-nous ? En plus de cela, ce qui était autrefois un espace bien délimité est aujourd’hui, à l’époque de la communication à l’état gazeux, un domaine dont les frontières sont très floues.

Nous sommes confrontés à un discours public qui est invasif, en raison de tous les outils de communication qui nous entourent.

En dernier lieu, un changement à prendre en compte. Alors qu’il était auparavant déclaré neutre, le domaine public est aujourd’hui un espace de contestation du pouvoir. Chacun estime avoir son mot à dire ! Il nous suffit de penser au nombre de hashtags traduisant toutes les protestations. Ou pour prendre un autre exemple, les déferlements qui se produisent sur les réseaux sociaux après telle ou telle prise de position publique.

La parole publique

Finalement, on peut donc s’avancer à dire que tout est public. La grande difficulté devient même de garder certaines choses encore privées, n’est-ce pas ? Quel devenir pour chacune de nos paroles ?

Il est plus probable aujourd’hui pour une parole de devenir publique que de rester privée. Alors peut-on encore faire la défense d’une parole théologique « privée » ?

Celle-ci ne peut-elle pas être considérée comme publique elle aussi ?

Nous pensons que, dès lors que nous sommes sur un terrain de préoccupations partagées, il est possible de s’exprimer en public dans un esprit de compagnonnage, avec humilité et courage, mais en gardant la particularité de notre discours. (4)

(1) Voir Yves Michaud, L’art à l’état gazeux, Hachette Pluriel Référence, 2011

(2) Charles Taylor, L’Âge séculier, Seuil, 2011 Charles Taylor parle de « sécularisme 2 » et il décrit « les transformations affectant les espaces publics. Ceux-ci auraient été débarrassés de Dieu ou de toute référence à une réalité ultime, ou, pour le dire autrement, les normes et les principes que nous suivons, les délibérations auxquelles nous nous soumettons, lorsque nous opérons au sein des sphères d’activité économique, politique, culturelle, éducative, professionnelle, récréative, ne nous renvoient pas en règle générale à Dieu ou à des croyances religieuses » (p. 13).

(3) Greg Okesson, A Public Missiology: How local churches witness to a complex world, Baker Academic, 2020

(4) George R. Hunsberger, The Missional Voice and Posture of Public Theologizing, 2006

Instituts de théologie publique

Olivier-Barrucand

Rédacteur

Olivier Barrucand

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