Internet ? Un sublime effrayant

Sublime Internet ! Nous ne pouvons nous en passer tant notre quotidien a été pénétré et conquis. Bien des choses sont facilitées, rendues immédiates, sans effort. Tout semble être désormais tissé avec la Toile, ou pris dans la Toile?

Internet change nos habitudes et nos anciennes façons de faire dans bien des domaines. Il nous façonne à bien des égards quand nous-mêmes ne semblons pas « avoir la main » sur lui. Il est plus grand que ce que nous pouvons imaginer, plus haut avec ces satellites, plus profond avec ses câbles sous-marins intercontinentaux. Il génère des échanges, une activité commerciale, des volumes de données dont on a du mal à se représenter la grandeur.

La fascination est quelque peu mêlée d’une certaine gêne à l’égard du réseau, une gêne qui peut même dans certaines perspectives nous effrayer car Internet nous met aussi en contact avec un autre sublime qui n’est plus très Waouh! mais plutôt terrible…


Le terrible de l’économie de la donnée: avons-nous encore une vie privée ?

Avant que ne survienne l’épidémie de COVID, jusqu’en 2019, ce qui bruissait à propos d’Internet était la question du Big-Data. Le terme est apparu en 1997 pour désigner toute la masse de données issue de l’utilisation d’Internet, et sa génération par nos habitudes de connexion, de consultations, de communications, d’achats, de visionnage et d’écoute, mais aussi par l’usage de nos GPS et de tous les objets connectés au réseau qui désormais font partie de notre quotidien.
Ce développement du Big-Data pose la question du respect de la vie privée et de la personne.

Pour l’association PRAXIS, nous sommes aujourd’hui avec Internet dans ce qui peut s’appeler une « anti vision » de la personne. Nous sommes dans les fils de la Toile comme des « unités monétisables de désir, de consommation et de production de métadonnées. » [1]

Il faut que puissent exister des habitudes et une législation qui permettent le respect de la vie privée et le fait que la moindre action de notre vie ne devienne pas une donnée qui puisse avoir immédiatement une valeur marchande. Mais il ne faut pas espérer au-delà du fait de pouvoir s’accommoder de la situation plutôt que de réussir à en sortir.

Terrible! Internet semble faire de chaque mouvement de notre vie une chose à vendre…

Le terrible de l’algorithme: sommes-nous manipulés ?

Notre utilisation d’Internet fait donc l’objet d’une collecte massive de données à des fins monétisables. Mais ces données sont aussi intéressantes à des fins d’analyse, de prévision et d’adaptation pour tous ceux qui y ont accès. S’est développée en même temps que l’agrégation des données la technologie des algorithmes.
L’algorithme possède une longue histoire qui débute au 9ème siècle, mais nous allons directement nous rendre au temps présent du Machine Learning. Ce terme désigne la capacité pour une machine d’apprendre au fur-et-à-mesure, d’améliorer ses performances à l’aide des données qu’elle peut traiter. L’algorithme est le programme informatique qui fait tourner la machine.

Algorithme, un vieux mot qui aujourd’hui fait tourner les machines et leur apprend à s’améliorer grâce aux informations qu’elles manipulent.

Aujourd’hui nous sommes aussi en contact avec ce genre de machines dans toutes les interactions que nous pouvons avoir par le biais d’Internet : notre banque, nos achats en ligne, les médias sociaux,… Celles-ci ont pour objectif affiché d’optimiser, de fluidifier et de sécuriser notre utilisation. Nous les voyons à l’œuvre chaque fois que nous revenons sur notre site d’achat préféré. C’est fou comme celui-ci nous donne l’impression de nous connaître! Les produits qui nous sont mis sous les yeux sont justement ceux que nous sommes le plus susceptibles de rechercher, ou d’aimer, ou que nous pourrions vouloir aimer. Mais sont-ils les meilleurs produits? Sont-ils les bons produits pour nous? Sont-ils les moins chers? Il faudrait prendre le temps de mieux y réfléchir pour le savoir… mais ils sont là et il n’y a qu’à cliquer pour les commander…
Nous pouvons nous demander si ces programmes, censés corriger les biais de fonctionnement et servir un intérêt général de l’utilisation d’Internet, ne sont pas en fait à servir des intérêts à nouveaux commerciaux, et des impératifs de rentabilité financière.

Le fait que nous retrouvions les algorithmes présents dans des activités économiques et sociales de plus en plus nombreuses, et qu’ils en viennent à s’intéresser de plus en plus à nous doit nous poser question. [2]

Le terrible de l’IA: sommes-nous obsolètes ?

Terrible du Big-Data, terrible des algorithmes, dans les coulisses ces deux-là se combinent déjà depuis longtemps sous un nom qui est le dernier apparu à la surface d’Internet: l’Intelligence Artificielle (IA). Ce couple Big-Data-algorithmes du Machine Learning porte le nom d’IA de recommandation. Elle s’occupe donc pour nous d’organiser tout ce que Internet va nous proposer, nous recommander de « meilleur ». Le volume de données produites par Internet est tellement incommensurable que nous mettrions un temps fou à trouver une information qui nous est utile. Nous sommes dépassés nous les êtres humains! On nous garantit encore le superpouvoir de l’omniscience, mais on en ajoute un autre, celui de l’inerrance. Ne faire aucune erreur de jugement dans ce que l’on consulte, ce que l’on achète, ce que l’on retient, et ne pas perdre du temps devant un contenu ennuyeux, vite trouver ce que nous « likons ». Plus besoin d’avoir recours soi-même à son sens critique, c’est dépassé.
GPT. Generative Pretrained Translator. Trois lettres qui sont la dernière révolution d’Internet.

Nous pouvions penser en 2022 qu’il allait s’agir du Metaverse, mais l’irruption de Chat-GPT, de Dall-E et consorts a comme balayé la doublure numérique de notre réalité.

Et nous pouvons nous demander ce que cette vague va emporter dans son sillage. Sa force de pénétration semble être elle aussi indomptable : ses capacités seraient-elles incommensurables au point que toutes les industries professionnelles soient remises en cause car elle ferait tout en mieux, en plus grand, en plus vite?… Il y a quelques Waouh! pour certaines prouesses graphiques ou musicales, mais aussi beaucoup de Aaaaah!… Que nous avons entendus chez les scénaristes, traducteurs, doubleurs,…

Un autre sublime est-il possible ?

Infini, omniscience, omniprésence, un caractère indomptable, incommensurable et insondable, des expériences Waouh! et d’autres Aaaaah! Tel est ce qui définit donc le sublime. Internet nous met en contact avec cela par le moyen de sa technique et c’est pourquoi nous sommes à la fois fascinés et terrifiés.

Mais il ne s’agit que d’un emprunt analogique (un comble pour un environnement numérique !) pour une création de l’être humain qui est impersonnelle et dépendante en dernier lieu d’une énergie qu’elle contribue à épuiser.
Il est une personne qui réunit les mêmes attributs de manière originale et selon un être qui est indépendant et de tout temps. Cette personne est le Dieu de la Bible qui s’intéresse à notre vie, non pour la monétiser mais l’épanouir, qui a tout un livre de recommandations pour nous, pour que nous sachions comment le connaître lui ainsi que nous-mêmes. Il est le Créateur qui a généré l’univers même et tout ce qui s’y trouve. Il nous y invite à venir générer en créateurs seconds, féconds, et sans obsolescence programmée.

Qu’allons-nous donc préférer? Continuer à rechercher une superpuissance magique, mais qui se rémunère sur notre personnalité, notre environnement et notre relation aux autres et à la réalité ? Ou bien choisir une alternative, et considérer qu’il existe la possibilité d’une vie connectée à Celui qui a la puissance d’une vie impérissable et qui peut nous éblouir, remplir notre vie de sublime ? Une vie qui est dans les limites de nos propres capacités que nous acceptons, dans celles des ressources naturelles que nous respectons ? Une vie qui est incarnée dans les bornes de la réalité avec lesquelles nous nous alignons ?

Lire le premier article

Lire le deuxième article

[1] PRAXIS, The redemptive business (2023), p. 32
[2] Pour entendre le message d’une lanceuse d’alerte à ce sujet: Cathy O’Neil, Algorithmes : la bombe à retardement (2018)

Olivier-Barrucand

Rédacteur

Olivier Barrucand

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Yoan Michel

Contributeur

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