Internet ? C’est sublime ! Mais…

Sublime internet! En moins d’un demi-siècle, Internet a changé notre vie. L’arrivée du smartphone a permis à ce « réseau des réseaux » (mais qui se rappelle qu’Internet est l’abréviation de interconnected networks, que www vaut pour World Wide Web ?) de devenir une part de notre environnement quotidien, au même titre que l’habillement, la nourriture, la musique ou notre habitation.

Oui, mais notre rapport à Internet est différent de celui que nous avons avec notre garde-robe. Face à un choix de vêtements à porter, nous sommes paisibles. Parfois soucieux de bien traduire notre identité et d’être avec une esthétique contrôlée qui nous ressemble, mais les choses ne vont pas vraiment plus loin.

Avec Internet, c’est quelque peu différent. Internet fascine et Internet inquiète à la fois. Pourquoi ? Parce qu’avec cette technologie nous touchons à autre chose : au sublime. Décryptage.


Sublime ? L’effet Waouh! et l’effet Aaaaah!

Imaginons nous trouver face à une chaîne de montagnes enneigées brillant sous le ciel ou face à un coucher de soleil sur la mer donnant mille nuances de jaune, d’orange, de rouge et de feu. Nous sommes transportés par le spectacle qui s’offre à nous et les mots nous manquent. C’est plus que beau, c’est admirable, c’est… Waouh! C’est sublime.
Une autre fois, nous sommes en bord d’océan et la météo est à son pire. Le vent est très violent, les vagues montent et descendent devant nous et produisent un mugissement qui, avec celui du vent, se combine en un fracas sonore qui nous étourdit. Nous n’en menons pas large! Nous sommes même effrayés par ce spectacle. A nouveau les mots nous manquent. C’est terrible, c’est… Aaaaah! C’est aussi sublime.

Le sublime, c’est le superlatif de l’expérience, là où nous sommes transportés dans un moment de dépassement du naturel. Il peut être un ravissement admirable ou vécu comme quelque chose de terrible et menaçant. [1]

L’effet Waouh! d’internet

Sublime! Internet nous fait toucher à l’illimité et à l’infini.

Qui se souvient encore des modems 56k (et de leurs crachouillis sonores) qu’il fallait brancher à son ordinateur pour avoir la possibilité de surfer pendant un temps limité sur Internet? Aujourd’hui, tout est illimité et infini. La fibre optique permet de récupérer des quantités de données sans avoir à consulter aucun compteur de consommation. La 4G ou la 5G nous permettent d’utiliser nos app de localisation dans tous les lieux un minimum aménagés de notre société occidentale. Les boîtiers satellites/WiFi nous donnent de partir au bout du monde en étant certains de pouvoir envoyer en temps réel nos dernières photos.
Nous sommes un samedi soir. Votre enfant vous annonce que lundi matin débute le cours de géométrie mais que son compas est cassé et que sa règle ne trace pas droit… Qu’à cela ne tienne! Il suffit d’accéder à un site marchand et dès le lendemain, même si c’est dimanche, les précieux outils sont déjà dans la boîte aux lettres! Vous le savez bien parce que vous avez reçu un SMS. Et s’il faut se rendre à l’étranger? Pas besoin de quitter le domicile pour réserver un billet d’avion (avec la possibilité de choisir sa place, son repas,…), puis de train et finalement de transport en commun. Toutes les plateformes de vente nécessaires sont directement disponibles et votre Carte Bleue servira de sésame pour finalement retirer tous les tickets et titres de transports aux différentes bornes interconnectées. C’est magique !

Avec ces canaux de communication nous touchons à l’illimité, nous touchons à l’infini. Existe-t-il quelque part une frontière qui nous dit « pas au-delà » ? C’est le superlatif de l’accès au réseau et à ses services, un sentiment de toute puissance de la communication.

Sublime! Internet nous rend omniscients.

Dans son premier âge, quand il était Web 1.0, Internet proposait très peu d’interactions entre les utilisateurs. Des contenus pouvaient être publiés et consultés et les choses s’arrêtaient là. Oui, mais à une époque où tout le savoir était localisé dans les bibliothèques, que les journaux quotidiens étaient tirés au format papier, cela représentait une ouverture remarquable. Qui était curieux pouvait s’informer de tout, partout et sur tout.

Avec ce que l’on a appelé l’ « internet du contenu » c’est le sentiment d’omniscience qui est devenu sensible, et possible. Omniscience ? « La science de toute chose » nous dit le dictionnaire, le superlatif de la connaissance et du savoir (avec la réflexion critique ?…).

Sublime! Avec Internet nous sommes tout le temps partout.

Avec le Web 2.0 et l’arrivée des réseaux sociaux depuis les années 2000, les interactions naissent entre les utilisateurs et ne vont cesser de se multiplier et de s’amplifier avec la situation que nous connaissons actuellement. Avec les technologies proposées, il est possible d’être à la fois chez soi, ou au travail, en vacances, en shopping, et en même temps avec ses amis, sa famille, ses followers, quel que soit le lieu où ils se trouvent. Je suis, tu es et nous sommes en même temps, tout le temps et partout.

Ne résistons pas au plaisir d’aller chercher un joli mot de notre langue : ubiquité, « faculté de pouvoir être présent partout » et par extension « d’accompagner partout ». Si cela ne décrit pas l’expérience surnaturelle de notre présence sur les réseaux sociaux…

Un petit commencement d’inquiétude ? On n’y comprend tout de même pas grand chose…

Les super-pouvoirs et la magie de la toute-puissance, de l’omniscience et de l’omniprésence, c’est bien. Nous avons, par ces technologies, la possibilité d’ « exercer » des pouvoirs surnaturels, d’être dotés d’attributs qui sont au-delà de l’expérience commune. C’est pour cela qu’Internet a un côté fascinant.
Mais il y a tout de même quelque chose qui peut mettre mal à l’aise:

peut-on savoir, un minimum, comment est-ce que cela marche et ce qui se joue derrière les canaux (ou les autoroutes de l’information), les contenus et les réseaux sociaux ?

Une montagne, toute immense qu’elle est, est une montagne. Nous pouvons relier ce très grand à des catégories qui nous sont communes. Un soleil est une étoile qui est proche et nous éblouit. Nous en prenons plein les yeux, mais nous comprenons assez bien. Les vagues, la houle et leur fracas sont dangereux et impressionnants, mais dans la vie normale d’une année sur le littoral ils représentent un phénomène passager et lui aussi quelque peu explicable.

Avec Internet c’est une autre catégorie. Beaucoup de choses se passent désormais dans des « clouds », des « data centers » à coup de « triggers », de « batch » et de protocoles… Insondable mystère ?

Lire le deuxième article

[1] Pour des lectures de référence sur le sujet: Baldine Saint Girons, Fiat Lux-Une philosophie du sublime (1993) et Edmund Burke, Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau (1757).

Olivier-Barrucand

Rédacteur

Olivier Barrucand

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Yoan Michel

Contributeur

Yoan Michel

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